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Gilbert Laffaille et son grand père ariégeois Jean Carol!

Gilbert Laffaille auteur compositeur interprète à la carrière impressionnante a décidé d’arrêter de chanter …mais continue à écrire !!  Et sa plume est toujours aussi affûtée , tendre et précise , acidulée et joyeuse surtout quand il raconte la vie de son grand père jamais croisé de son vivant ! Jean Carol , un ariégeois au destin incroyable , aux multiples activités, célèbre en son temps aussi bien dans le journalisme , les voyages, le théâtre que la littérature. J’ai beaucoup aimé l’artiste Gibert Laffaille et j’adore l’écrivain !! Je l’ai rencontré en septembre 2025 à Tarascon à l’occasion d’une tournée de présentation du second tome – aux éditions ariègeoises Vox Scriba – consacré aux ouvrages publiés par son grand père.

Je vous propose de parcourir avec moi  la vie extraordinaire de ce grand père de légende en la rapprochant de l’œuvre chantée de son petit fils fabuleux !!

et puisqu’il s’agit de mélanger écriture et chansons , je vous propose ce petit texte de mon cru qui contient la quasi totalité des titres écrits, composés et interprétés par Gilbert Laffaille ! Saurez vous les dénicher ??

La Ballade des Pendules : « Dans un quartier de la capitale, quelque part près de la Foire du Trône, se nichait un petit café nommé étrangement Le Triangle des Bermudes … comme une invitation à s’y perdre. Les murs y étaient tapissés de photos sépia  : des femmes image , des hommes en boubou, des enfants aux dents d’ivoire et à la peau d’ébène défilant dans des chars de corso fleuri, des petites filles de Chiang Maï en 3ème B, tous figés dans des éclats de rire ou des regards lointains. Le patron du troquet, un certain Gilou, ancien maître d’école aux allures de dernier des Mohicans, servait des cafés serrés avec des verres d’eau … et des histoires à n’en plus finir. Il avait été grand baroudeur devant l’éternel mais depuis longtemps avait remisé son sac à dos et ses pataugas de l’autre côté du mur. Fini la ballade de Douglas. Pui il avait ouvert ce bar des naufragés.

A la fin d’un dimanche après-midi frileux, un soir de rêve où la neige tardive d’avril faisait une dernier nettoyage de printemps, une femme entra dans le café. Comme une fille de ville d’eau, la tête ailleurs, elle portait un sari bleu nuit, comme un morceau de ciel tombé sur terre. Les rares clients présents levèrent les yeux. Elle s’assit près du hamac suspendu entre deux bananiers en pot, commanda un thé, et sortit un vieux livre au titre énigmatique « Le grand glouton ». Gilou en lui apportant sa boisson chaude, avec le  verre d’eau !,  intrigué, lui demanda : – Qu’est qu’on a ? C’est une interrogation écrite ou une ballade ? » Elle sourit, comme si il connaissait déjà la réponse à sa question espiègle  : – Tout est dans le titre , tout est à vivre . Comme l’eau de la rivière. CQFD, mon ami. ». Deux minutes fugitives s’écoulèrent lentement entre eux. Comme quand le silence, ça ne tient qu’à un fil.

Un homme d’allure africaine se leva alors de sa table, il était grand comme un président et son éléphant. Il avait l’air d’un visiteur d’Andromède, ou d’une autre galaxie inconnue, perdu dans sa Tour d’Ivoire. Il s’approcha de la femme, comme si le temps s’était suspendu à une histoire d’œil.— Si tu n’es plus là, tout m’étonne, murmura-t-il. Elle leva les yeux, surprise, puis éclata de rire.

— Tu es le gros chat du marché ou l’homme en boubou ? — Les deux sourit il à son tour . Et toi, tu es comme un ange au paradis dansant sur un blues de Neuilly,   une chanson rose, une chanson noire, un tango pollué  ou une java sans modération. La femme fit mine de s’éloigner mais l’homme lui tendit la main. — On danse alors ? Elle regarda sa montre, puis le ciel par la fenêtre. —Pourquoi pas ? Après tout, la vie, la mort, c’est comme un blues d’ici… On ne sait jamais quand ça finit. Comme quand le jongleur lance les balles… C’est la faute à personne.

Et ils dansèrent en silence, comme une folie douce, entre les pendules en balade qui ne marquaient plus l’heure, entre les étoiles et les bananiers, entre ici et là-bas, entre tout et rien. La petite fille d’à côté les regardait faire , étonnée et envieuse. Petite fille aux yeux rouges  de fatigue. Les images se bousculaient dans sa tête d’enfant : un-deux-trois, soleil ! La Tante Aglaé comprendrait. Une boule d’amour gonflait dans sa poitrine juvénile. Elle se tourna vers le petit Léon endormi sur sa chaise, la main encore pleine de chocolat et de cerises qu’il ne voulait pas relâcher.

Après ce beau début, autour d’eux le café s’animait entre trucs et ficelles.  Alfred vint à son tour dire bonjour à la visiteuse en se dandinant puis s’approcha du Juke box pour lancer son titre de boogie préféré inspiré de Fats Waller : « le Chant du Voyageur ». La musique montait encore un peu, comme au kiosque du jardin des plantes, les rires aussi, comme un kaléidoscope de vies qui se croisent, se frôlent, s’effleurent. Un monsieur blanc blanchi sous le harnais salua à son tour l’étrangère en portant son index au bord de son chapeau et sortit du bar.

Dehors, l’an 2000 semblait loin, très loin. Le pays des chimères s’emplissait de notes Mi La Ré Sol Si Mi dessinant dans l’air une valse des chiffonniers où des raisins dorés pendaient dans la chambre rose de la sole à filou. Le vieux monsieur se tourna vers le dauphin du Moulin Rouge qu’il apercevait au loin à côté du vieux théâtre. Un petit oiseau bleu sous une ombre végétale lui fit songer de façon incongrue à cet homme du Gange qu’il avait croisé lors d’un voyage en Inde. Cet homme qui jouait avec un poisson rouge. Jolis jeux du lit de la rivière sacrée. Il sourit et se répéta la phrase du vieil africain à la femme en sari : – tout m’étonne ! Il remonta son col et se dirigea vers sa demeure en fredonnant cet air d’autrefois : « Just like you »